Bientôt, la carte des vins de la région : Jura
« ce vin si joli qu'on buvait en Arbois »
Jacques Brel, Le dernier repas
Avec à peine deux milliers d'hectares qu'on dirait presque oubliés entre Alsace, Bourgogne et Valais, le vignoble du Jura est l'un des plus petits du terroir français. Ne « pèse »-t-il pas seulement 0,2 % de la surface plantée du pays ? Un débutant pourrait ainsi sous-estimer son importance œnologique... grave erreur ! Le Jura réussit en effet le prodige, sur une si petite surface, de développer une production inimitable, à la personnalité très forte, autour des merveilles que sont le vin jaune, le vin de paille et plus généralement les blancs à base de savagnin.
Son aire d'appellation, qui s'inscrit entièrement dans le département du même nom (région Franche-Comté), comprend notamment les communes d'Arbois, Arc-et-Senans et Lons-le-Saunier. Longeant la fracture qui sépare la Bresse du Jura, elle forme une bande nord-sud de 70 km de long sur environ 6 de large, où les vignes s'étagent sur une altitude qui va de 250 à 400 mètres. Par intermittence, des « reculées » donnent au relief une ondulation qui permet de varier les expositions, en créant notamment de nombreux décrochages orientés sud/sud-est. Ces pentes sont composées par différents types de marnes, qui se prêtent très bien aux cépages locaux – chardonnay, savagnin et poulsard en particulier.
En regard d'autres terroirs français, le Jura possède évidemment une forte originalité climatique, avec un positionnement très continental – plus encore que ne l'est la Bourgogne, par exemple. Les pentes exposées à l'ouest, surtout, connaissent des hivers très froids. Avec 1150 mm annuels, les précipitations sont de plus très importantes – et quasiment régulières tout au long de l'année. Ces conditions ont contribué à développer la culture en hautain, qui éloigne les grappes du sol et assainit ainsi leur hygrométrie.
Les traces de vignes dans la région remontent à l'ère celtique. Bien plus tard, au XVIIème siècle, le vignoble sera marqué par la Guerre de Dix ans (1634-1644) : comme toute la région, les vignes sont ravagées durant l'invasion française de la Franche-Comté. Elles se reconstruisent ensuite, avec en 1732 une première réglementation, sur l'usage des cépages notamment. Si la culture atteint son apogée à la fin du XIXème siècle, le phylloxéra sera en revanche une vraie catastrophe. Le vignoble s'en est remis en qualité, mais jamais en quantité : qu'on en juge en comparant ses 1800 hectares actuels avec les 20 000 sur lesquels il s'étendait en 1873...
Pour les seules AOC, le volume annuel de vins du Jura se monte aujourd'hui à 100 000 hl, dont un quart en rouges et rosés, 20 % de crémant et une moitié de blanc – les 5 % restant ne résultant pas d'un « petit quart », mais du macvin et du vin de paille.
En blancs, les cépages dominants sont :
En rouges et rosés, minoritaires dans la région, on trouve notamment les cépages :
Mais au-delà des cépages typiques qu'il possède, le Jura peut surtout s'enorgueillir d'un art de vinifier très remarquable, et même unique par plusieurs aspects. Le vin jaune, en fait un blanc à base de savagnin récolté en vendanges tardives, est élevé six ans « sous voile », c'est-à-dire sous un voile de levure, une surface de contact étant laissée libre à l'intérieur du tonneau, qui n'est pas totalement rempli. Il en sort un vin de grande garde, capiteux, évoluant vers des arômes de miel et d'empyreumatiques. Il s'expédie en clavelin – une bouteille spéciale de seulement 62 centilitres.
Tout aussi célèbre, le vin de paille est quant à lui un liquoreux produit par passerillage hors souche : les plus belles grappes sont mises à sécher sur paille, sur des claies ou suspendues à des fils, jusqu'à présenter un taux de sucre optimal. Après Noël, un long pressurage donne alors un jus qui sera longuement fermenté, produisant finalement un vin naturellement sucré. Procédé au résultat délicieux, mais forcément de rendement très faible, il est traditionnellement conditionné en bouteilles de 37,5 cl (soit la moitié en volume d'une bouteille classique).
Le Macvin est un vin mistelle, qui s'apparente par son procédé au Pineau des Charentes : il résulte d'un assemblage de moût de raisin et d'eau-de-vie de marc du Jura, qui est élevé douze mois en cuve.
Possédant un style propre aussi affirmé, on comprendra que les vins du Jura aient d'autant moins de complexe à reprendre quand c'est pertinent le meilleur des méthodes des voisins – ainsi, le Crémant du Jura, élevé à base de chardonnay selon la méthode champenoise, sous un climat somme toute très voisin, trois raisons d'y voir un concurrent tout à fait sérieux du Champagne en termes de goût, et pour cause, pour un rapport qualité-prix évidemment remarquable...
Par ailleurs, est-il besoin de préciser que tous ces vins accompagnent à merveille la cuisine franc-comtoise, à commencer par le comté et les morilles ?
La route touristique des vins du Jura permet de parcourir l'ensemble du vignoble, au hasard de ses productions... mais aussi de son histoire ! Si le Jura est le pays de Clavel et d'Hubert-Félix Thiéfaine, il peut aussi se prévaloir d'au moins deux ambassadeurs mémorables dans le domaine scientifique : d'une part, c'est un ampélographe (spécialiste des cépages) jurassien, Alexis Millardet, qui sauva l'Europe du phylloxéra en mettant au point la technique des porte-greffe à la fin du XIXème siècle. Une rue porte d'ailleurs son nom à Bordeaux – ce qui était bien le moins !
D'autre part, Pasteur lui-même est un enfant du pays : né à Dôle, il venait fréquemment travailler dans la maison familiale d'Arbois, où il tenait un vignoble expérimental. Il y a notamment développé ses essais sur la fermentation, qui le conduiront jusqu'au procédé qui porte son nom.
Un tradition d'expérimentation qui subsiste aujourd'hui dans un évènement comme Le nez dans le vert, le grand salon du vin biologique... et qui n'efface pas les belles traditions, comme la pressée du vin de paille, le concours mondial du savagnin, ou encore la percée du vin jaune, le premier weekend de février, qui avec près de 60 000 visiteurs est l'une des premières fêtes du vin de France.
La région viticole du Jura a obtenu ses premières appellations dès 1936 et 1937, et comprend aujourd'hui 6 AOC, mais sans véritable hierachie :
Le vignoble jurassien excelle également dans 2 autres spécialités : le Vin jaune et le Vin de Paille. Chacune fait l'objet d'une mention pour les AOC Côtes-du-Jura, Arbois et Étoile.
En périphérie des communes éligibles aux AOC, les vins ont accès à l'IGP Franche-Comté Doubs (sur département du Doubs), et plus généralement à l'IGP Franche-Comté.
Pays : France
tempéré montagnard
1 871 h/an
1 108 mm/an
14,5 °C
2 123 ha
642
82 960 hl
2 414 ha
1 340
89 683 hl
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